DCRI : un sévice de presse efficace

Actualités - Société - Posté on 12 Avr 2013 at 2:35 par Solange Belkhayat-Fuchs

Ce sont probablement nos confrères du Monde qui ont été parmi les premiers à réagir. Dans la journée du 6 avril, Wikimedia France (association de soutien à Wikipedia) publiait un communiqué dénonçant des pressions exercées par des personnes appartenant à la DCRI. La procédure visant à supprimer des détails litigieux concernant la sûreté de l’Etat semblant ne pas être assez rapide au goût de certains fonctionnaires, l’un des auteurs aurait été, dans la journée du jeudi 4 mars, convoqué au siège de la DCRI et contraint (sous la menace d’une garde à vue et mise en examen) de supprimer le chapitre litigieux de l’encyclopédie en ligne.

L’article en question concernait la base militaire de Pierre sur Haute, article qui n’est pourtant pas très riche en détails techniques. A peine l’épisode musclé était-il rendu public que les articles de Wikipedia rédigés en d’autres langues ont non seulement préservé les informations litigieuses, mais se sont enrichies également d’un chapitre dénonçant les méthodes quelques peu brutales de fonctionnaires se croyant au-dessus des lois et des procédures. Ainsi la contribution en langue anglaise. En l’espace d’une demi-journée, toute l’Europe apprenait l’existence de la riante colline de Pierre sur Haute, jusque-là injustement trop peu médiatisée. La réaction était prévisible, de même que la campagne de presse déchaînée qui s’en est suivie : le « Fig », Rue 89, le Point… Sans oublier nos confrères de la presse technique.

Doit-on ranger l’affaire au rang des ratés monumentaux que collectionnent nos services très spécieux depuis l’affaire du Rainbow Warrior, ou s’agit-il d’une opération d’une extrême subtilité qui aurait pris un article-prétexte pour mieux masquer une autre fuite d’information ? Ou tout cela n’est-il qu’un cafouillage de plus entre justice et police, une confusion entre procédures accélérées décidées par un juge d’instruction et désir de procédures accélérées par des officiers trop zélés ? Toutes les hypothèses sont envisagées par nos confrères.

L’hypothèse d’une opération commandée discrètement par des instances supérieures reste, de loin, la plus improbable. Car quel fonctionnaire ne connaîtrait pas l’article Homme rédigé il y a 243 ans par un certain François-Marie Arouet dans les colonnes de l’Encyclopédie, celle qui s’écrit avec un E majuscule. De tous temps, Pouvoir et savoir encyclopédique n’ont pas toujours su faire bon ménage, au fil des siècles et des civilisations. Moins, d’ailleurs, en raison de prétendus aspects d’accès à une libre information que parce que l’éclairage qui était donné à cette information ne convenait pas aux modes de pensée du pouvoir en place. Qu’est-ce qui est choquant, dans l’article de Pierre sur Haute ? La mention d’un bunker anti-EMP ou le fait qu’un fleuron de la Défense Nationale soit hors de service lorsqu’il tombe un peu de neige ?

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