FIC 2014 : Permis Internet, la cybersécurité en culottes courtes

Actualités - Conférence - Posté on 24 Jan 2014 at 8:30 par Solange Belkhayat-Fuchs

Les parrains et marraines sont prestigieux : Gendarmerie Nationale, Ministère de l’Intérieur, les assurances Axa qui jouent les bailleurs de fonds … tous se sont réunis pour orchestrer un « programme national de responsabilisation des enfants sur l’usage de l’Internet ». Matériaux pédagogiques, fiches de sensibilisation, statistiques anxiogènes (80% des parents considèrent qu’Internet est dangereux), questionnaires de contrôle des acquis et permis « code de bonne conduite » (sic), voilà tout un mini-arsenal destiné aux instituteurs et professeurs des écoles s’occupant des classes de CM2. Autrement dit d’élèves évoluant dans le cycle primaire, lequel est tributaire du budget des communes et non pas de celui de l’Education Nationale. Il est si difficile de préparer les discours de demain sur le « digital divide » entre villes et campagnes, communes riches et villages pauvres… car comment passer un « permis Internet » dans un établissement disposant de deux ordinateurs pour 150 élèves ?

En outre, l’idée n’est pas nouvelle. Le « permis de conduire Internet » avait été, en 2009, l’un des arguments de campagne (publicitaire) d’Eugène Kaspersky. Un permis qui aurait servi à la fois à former les internautes aux dangers des autoroutes de l’information et aux dépassements de vitesse de téléchargement. Qui aurait également (et surtout) servi à ficher et tracer les internautes contrevenants. Le mot provoqua une levée de boucliers, l’idée, totalement inapplicable, fut totalement abandonnée. Mais ça, c’était Avant.

Reste que l’initiative d’un « permis pour les petits », aussi futile fût-elle, n’a de véritable raison d’être qu’à partir du moment où elle pourrait être transformée en un « véritable permis de grand » à l’instar de l’ASSR… D’innocente et bienveillante, la démarche tourne rapidement à la promesse de flicage et à la suspicion d’incompétence informatique une fois atteint l’âge de raison. Voire, pourquoi pas, à l’application d’une logique répressive pour punir les contrevenants. Téléchargement de 10 Go de plus que la capacité autorisée ? 3 points de moins et 200 euros d’amende. Stationnement prolongé en dehors des sites-parking, traversée d’une zone pour adulte « barely legual » ou traversée à haute vitesse d’une partie de poker virtuelle non autorisée par l’Arjel : suspension de 4 mois du droit de surf et une nuit en cellule de dégrisement html. Ridicule ? Alarmiste ? Rappelons qu’Hadopi ne prétend pas combattre le piratage, mais le « défaut de protection », autrement dit un crime d’incompétence informatique.

Si l’initiative avait relevé de programmes constitués dans le cadre du cycle secondaire, avec ou sans l’assistance de la Gendarmerie mais pas nécessairement celle d’une entreprise commerciale de droit privé, l’initiative aurait probablement eu plus de chances de succès. D’autant plus que les 12-18 ans sont en grande majorité frappés par une inextinguible soif de cracking, qu’il est assez facile de transformer en désir de hacking, de connaissance technique. C’est par l’éducation que l’on éveille les vocations, bien plus que par la répétition de mantras moralisateurs.

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