Le courant secteur, une « preuve recevable » ?

Actualités - Documentation - Posté on 30 Juin 2010 at 4:24 par Solange Belkhayat-Fuchs

Catalin Grigoras est ingénieur chez Diamond Cut Production, spécialiste de la restauration de vieux enregistrements audio. Mais ce ne sont pas les talents de nettoyeur de 78 tours qui ont valu à ce chercheur les honneurs de la presse. Ce serait plutôt une communication intitulée « Analyse des enregistrements numériques audio : le critère « fréquence réseau » ». Une note d’application qui explique comment dater avec précision n’importe quel enregistrement numérique en prenant comme référence la fréquence du courant secteur.

Pendant plusieurs années, Grigoras a effectué des mesures de variation de la fréquence secteur, le fameux « 50 Hertz » de nos prises électriques. Bien que la stabilité dans le temps soit d’une précision quasi horlogère, les variations de fréquence à court terme sont légions, pouvant atteindre parfois plus d’un demi-hertz sur une période de 10 secondes. Et, selon le maillage du fournisseur d’énergie local, l’on peut aisément constater que ces mêmes variations se mesurent avec les mêmes écarts dans les villes éloignées parfois de plusieurs centaines de kilomètres.

Or, lors d’un enregistrement, particulièrement lorsqu’un élément de la chaine audio est alimenté par le secteur, et ce même lorsque l’appareil est correctement filtré, une infime partie de ce « 50 Hz » est enregistré avec le signal souhaité. Et avec lui, les variations de fréquence totalement aléatoires le caractérisant. Dater un enregistrement avec une précision de la seconde devient alors presque un jeu d’enfant. Il faut, dans un premier temps, filtrer le contenu de l’enregistrement numérique en n’extrayant que les fréquences situées entre 49 et 51 Hertz, là où l’on est certain de capter le « ronflement » du courant secteur. C’est ce signal que l’on va comparer à un autre signal de référence, en fait les « archives enregistrées » des variations de fréquence caractéristiques de chaque fournisseur d’énergie pour une maille en particulier. Cette comparaison se limite à retrouver une séquence commune aux deux signaux (référence et pièce à conviction), d’une manière analogue à celle que pratiquent les archéologues cherchant à dater un morceau de bois par analyse dendrochronologique. Une correspondance d’événements une fois trouvée, il ne reste plus qu’à relever l’heure à laquelle a été effectué l’enregistrement de référence.

L’on pourrait objecter qu’un appareil alimenté par piles ne peut être perturbé par le « ronflement » du courant secteur. Et bien si, nous apprend Catalin Grigoras. La sensibilité des micros à électret que l’on emploie sur les appareils modernes est telle que le rayonnement électromagnétique des lignes alentours est « capté » par la capsule. Un raisonnement qui peut être étendu à tous les capteurs utilisés dans une chaine d’enregistrement, y compris les têtes magnétiques de DAT.

Encore faudrait-il que les fournisseurs d’électricité du monde entier tiennent à disposition de la justice et des experts des archives complètes de chacune de leurs mailles. Une telle collection d’enregistrements pourrait également donner quelques informations de géolocalisation, puisqu’aucun fournisseur d’énergie ne peut générer les mêmes variations de fréquences que celles de son voisin …

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