UBS : la preuve indiscutable du principe de Murphy

Actualités - Analyse - Posté on 19 Sep 2011 at 6:43 par Solange Belkhayat-Fuchs

« Il » s’appellerait Kweku Adoboli, « il » serait soupçonné d’avoir fait perdre (sans précision aucune) près de 1,7 million de francs à UBS (soit 2 milliards de dollars ou 1,5 milliard d’euros), « il » a immédiatement provoqué une certaine effervescence dans le milieu des attachées de presse chargées de la promotion des entreprises spécialisées dans les surveillances des transactions des organismes financiers et autres gourous des audits de sécurité. « Il » prouve, si besoin était, que le monde des banques reste totalement hors de contrôle tant politique que législatif et technique, malgré le nombre croissant d’affaires semblables.

L’on peut d’ores et déjà saluer un double record remporté par l’UBS. Le premier, et de loin le plus remarquable, est d’avoir su se hisser dans le très élitiste peloton de tête des banques frappées par des opérations de trading hasardeuses d’un montant de pertes supérieur à un milliard de dollar. Avec 2 milliards de pertes, UBS se place un poil devant Barings (l’employeur du célébrissime Nick Leeson) la Metallgesellschaft, la banque Daïwa et le comté d’Orange. Mais il faudra encore prodiguer quelques efforts pour battre la Bawag (2,5 milliards de dollars), Sumimoto Corp (2,6 M), la Long Term Capital Management (4,6 M), le Crédit Lyonnais (affaire Paretti, 5 milliards de dollars), Amaranth Advisors (6,5 M), sans oublier bien sûr la Société Générale avec l’affaire Kerviel, 7,2M$ estimés, record absolu et hors catégorie. Remarquons au passage que toute « blague Suisse » serait fort mal venue compte tenu des scores exceptionnels affichés par les établissements Français (liste à laquelle l’on pourrait presque ajouter la Caisse d’Epargne, affaire Picano-Nacci, qui a péniblement plafonné à 0,97 milliard de dollars).

Autant d’exemples qui prouvent que quel que soit le niveau d’indicateurs, de règlementations, de garde-fous, de métriques truffées de cotes d’alertes, de règles de « gouvernance », de logiciels sophistiqués et de procédures réputées inviolables, il existera toujours un risque lié (inhérent ?) aux entreprises qui font dans le « produit financier ». Risque doublé d’une amnésie (un Alzheimer financier) quant aux « bonnes résolutions » que ces organismes ressassent aux politiques après chaque catastrophe suivie d’un plan de relance.

Le second record remporté par UBS est celui de la « loi des séries » qui semble poursuivre l’établissement avec assiduité. La banque avait largement trempé dans l’affaire des sub-primes, opérations spéculatives qui avaient contraint le gouvernement Helvétique à mettre la main au portefeuille pour renflouer l’entreprise. Ce qui, à l’époque, avait provoqué de vives réactions tant dans les médias que de la part des partis d’opposition. Mais ce n’est pas tout.

Courant 2008/2009, l’UBS avait dû faire face à une fuite importante de capitaux estimée à 250 milliards de dollars. Les clients partaient en rangs serrés depuis que Washington avait désigné cette banque comme l’un des vecteurs d’évasion fiscale de certaines grandes fortunes d’Outre Atlantique. Evasion qui aurait été « lourdement suggérée » par la direction de la branche américaine de l’UBS, dont les CxO ont été limogés depuis. Après un procès retentissant, la Maison Blanche avait exigé une levée partielle du secret bancaire, ce qui avait provoqué un vent de paniquer chez les économiquement pas faibles. Déjà qu’après la « fuite Falciani », une autre banque Suisse, la HSBC, avait vu les listings de bon nombre de ses clients tomber entre les mains des fonctionnaires de Bercy… Il y avait comme un certain « blues du businessman » sur les terrasses de Davos et les ports privés lémaniques. L’article 47 de la loi du 8 novembre 1934 exigeant le mutisme des banques de la Confédération à propos de leurs clients avait du plomb dans l’aile.

Cette loi des séries, aggravée par la conjoncture économique actuelle, avait conduit l’UBS à engager plusieurs plans sociaux ayant débouché sur le départ de près de 3500 employés dans le monde. Selon nos confrères de l’agence Reuter, le montant de cette économie structurelle est évaporé par le mauvais coup en bourse du trader-aventurier.

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