Arcep vs Skype : la sécurité comme prétexte

Juridique - Législation - Posté on 12 Mar 2013 at 8:58 par Solange Belkhayat-Fuchs

Notre confrère Peter Sayer, correspondant parisien d’IDG News Services , nous apprend que l’autorité de régulation Française fait pression sur Skype, filiale de Microsoft, afin que l’entreprise s’inscrive auprès de l’Administration comme opérateur télécom. Des histoires de redevance ou d’évasion fiscale ? Que Nenni ! Une simple considération sécuritaire.

Car, explique Sayer, la création du service « skype out » qui permet à tout utilisateur du réseau VoIP de pouvoir joindre un correspondant utilisant le réseau commuté échappe à quelques devoirs que doivent remplir les autres opérateurs conventionnels. A commencer par la possibilité d’assurer en permanence des appels d’urgence. Cette question ressurgit à périodes régulières, tel le monstre du Loch Ness : avec un téléphone classique, cellulaire ou fixe, il est toujours possible de joindre le 15, le 17, le 112, et ceci gratuitement, même en l’absence de service d’abonné actif. En outre, les outils de goniométrie/triangulation permettent facilement de localiser la position d’un téléphone mobile si celui-ci est situé dans une zone de couverture. Deux caractéristiques que n’assurent actuellement pas la plupart des réseaux VoIP bien que cela soit techniquement possible.
Mais ce prétexte lié à la « sécurité des foyers » masque une autre exigence, fait remarquer Peter Sayer : il n’est pas prévu de possibilité de « mise sur écoute » d’un correspondant dans le cas d’une demande du Parquet. Un détail qui n’a d’ailleurs pas franchement échappé à bon nombre de cyber-délinquants. En exigeant de Skype un statut d’opérateur telco « plein », l’Arcep espère donc ouvrir une brèche dans le système trop confidentiel des communications VoIP. Ce genre de « droit de regard » ou « droit d’espionnage » exigé par les états n’est pas franchement nouveau. La question avait déjà été soulevée en Belgique notamment et fait l’objet d’une question posée devant le Sénat. En outre, dès 2009, la maison mère, Microsoft, avait déjà déposé des brevets portant précisément sur des techniques d’écoute des réseaux VoIP afin que sa filiale puisse répondre aux exigences à la fois du Patriot Act et du CALEA (Communications Assistance for Law Enforcement Act). Plusieurs fois également, et ce depuis 2009, Eurojust, l’unité de coopération judiciaire Européenne, avait soulevé la question des écoutes Skype.

Techniquement parlant, il est quasi certain que Skype peut se conformer aux exigences de l’Arcep du jour au lendemain. Mais d’un point de vue politique et marketing, il en va tout autrement. Cela nuirait à l’image de « garantie de confidentialité » qui a, depuis la création du réseau, constitué l’un des principaux arguments d’incitation à l’usage de ce softphone. Mais Skype (et Microsoft) peuvent-ils naviguer à contre-courant ? La soudaine simultanéité des demandes Belges et Françaises pourrait bien déboucher sur une demande encore plus pressante et un peu plus insistante de la part de l’Europe. Ce serait alors l’équivalent de 27 demandes de droit d’écoute qu’il serait pratiquement impossible d’ignorer au risque d’attirer sur l’entreprise US une foultitude de tracasseries administratives et de pressions politiques.

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