Internet, ennemi de la Sécurité Intérieure

Actualités - Billet - Posté on 17 Juin 2015 at 11:14 par Solange Belkhayat-Fuchs

Familistere de GuiseParoles de Frédéric Lefèbvre, musique de Nicolas Sarkozy, sur un décor de Brice Hortefeux et des costumes de Claude Guéant : l’interprétation de Bernard Cazeneuve dans le rôle-titre de « Il faut réguler le Far West Internet » a littéralement enthousiasmé le public et les critiques. Ce théâtre de boulevard qui tient l’affiche depuis près de 10 ans pourrait être comique s’il n’avait eu pour origine la mort tragique de trois adolescents et les graves blessures d’un quatrième.

A l’origine de cette récupération, la volonté d’un groupe de jeunes « airsofteurs » de fabriquer un pot fumigène artisanal. La recette a provoqué une réaction chimique violente, aux conséquences catastrophiques. La police est sur les dents et le suspect rapidement identifié : âge 34 ans, nationalité Etats-unienne, taille (estimée) 3 milliards d’individus dont 2 milliards inscrits sur des réseaux sociaux. Signes particuliers : Darknet, réseaux cyber-pédophiles, techno-djihadistes, « violeurs et poseurs de bombes » (copyright l’un des Ministres susmentionnés). Connu par les services de police du monde entier sous les pseudonymes de « Internet », « Autoroutes de l’Information », « Assemblage de tuyaux », « réseau des réseaux », « Net ».

L’exploitation du pathos et du cas particulier pour justifier des lois d’exception n’est pas un fait particulièrement nouveau. La plupart du temps les mesures proposées s’avèrent incapables de résoudre le problème alors que par ailleurs elles facilitent une surveillance et un contrôle qui seraient considérés comme inacceptables en temps normal.
Las, même les éditeurs, depuis le Siècle des Lumières, ont appris à vivre dans les pays qui ignorent le mot censure, hors de portée des descentes de police. La Hollande ou l’Angleterre d’alors s’appellent Internet à notre époque, et la poursuite et la condamnation de quelques blogueurs ne résoudra certainement rien. Et si tous les « Premiers flics de France » qui ont successivement tentés de résoudre la question à grands renforts de lois liberticides essayaient plutôt de soigner le mal à la racine ? Autrement dit par l’éducation, la prévention et l’accompagnement. Des actions certes bien moins « vendeuses », bien moins médiatiques, bien plus coûteuses qu’une descente de police dans un 2-pièces-cuisine de geek wanabe révolutionnaire. Une fois de plus, un politique tente de résoudre de manière technique un problème essentiellement social et politique.

Bien moins médiatique… encore faudrait-il aussi qu’une certaine forme de presse commence à prendre un peu de recul, et accepte de faire un choix entre information et chasse au clic. « Internet est-il responsable de la mort de trois adolescents ?» demande l’Express. « Airsoft, l’influence d’Internet » renchérit FranceTVinfo. « Après le drame de Bas-en-Basset, Cazeneuve veut réguler internet » affirme Metro.
Et que devra-t-on réguler une fois qu’Internet sera encadré ? L’apprentissage de la lecture ? Les cours de Chimie ? Le Savoir en général ? La violence des jeux vidéo ? Le risque mimétique des films catastrophe ? Les bandes dessinées ? Une fois encore, la (volontaire ?) confusion entre l’outil et l’usage que l’on en fait facilite la diffusion de discours simples et populaires, deux mots si proches des termes « simpliste » et « populiste » …

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