TAC 2016 : un « global village » des polices

Actualités - Conférence - Posté on 06 Mai 2016 at 6:46 par Solange Belkhayat-Fuchs
Trafic d'êtres humains et TIC

Trafic d’êtres humains et TIC

Internet ne connaît pas de frontière, et les Etats-Nation ne peuvent répondre à la grande délinquance qu’avec la loi… laquelle ne peut s’appliquer que dans le cadre restreint des frontières. Il est donc impératif de renforcer les coopérations internationales. Tel était le leitmotiv des rencontres TAC 2016 (Technology Against Crime), qui se sont tenues à Lyon les 28 et 29 avril dernier. La cyber-réponse aux cyber-risques commencerait-elle à sortir de sa crise schizophrénique ?

 

 

Pour les policiers attachés à Interpol (partenaires de TAC), la chose ne fait aucun doute depuis longtemps. Reste que l’évolution des outils, la rapidité d’adaptation du milieu criminel grâce à l’usage généralisé des nouvelles technologies ne facilite pas franchement le travail des forces de l’ordre. La toute première conférence donne le ton, avec un bilan sur le trafic d’êtres humains dressé par Ruth Pojman (OSCE, Organisation for security and cooperation in Europe) : un « chiffre d’affaires » de plus de 152 milliards de dollars, donc 65 milliards en Europe, alimenté principalement par les filières de la prostitution, du travail forcé et du trafic d’organes. Des filières qui, de plus en plus, reposent sur un usage adapté des nouvelles technologies. Jean Marc Droguet, Chef de l’Office Central pour la Répression de la Traite des Etres Humains explique en substance : « Ces usages des TIC sont sélectifs. Le Darknet (les réseaux chiffrés) servent essentiellement aux échanges de biens, au trafic de stupéfiants ou d’armes. Les réseaux de trafic d’êtres humains empruntent des chemins plus simples, parfois simplement protégés par des législations locales. Ainsi, les sites Web liés à la prostitution sont localisés en Europe Centrale, voire en Suisse, où la loi ne condamne pas ce genre de pratique. Sans coopération internationale, les « NTIC du crime» conserveront l’avantage ».

Mais Internet ne sert pas uniquement de vecteur commercial. C’est également un moyen de recrutement, notamment en Bulgarie, Serbie, Roumanie.

Cet « internet recruteur » sera, plus tard, également dénoncé au fil d’un autre débat, par Franck Pavero, Conseiller de Défense et de Sécurité pour la Lutte contre le Cyberterrorisme, ou Stephane Duguin (centre antiterroriste à Europol). Dans le cadre du cyberterrorisme, Internet ne sert pas seulement, explique-t-il, à diffuser des messages de propagande et de radicalisation, à attirer des jeunes en rupture de ban, à justifier l’usage de la violence, voire à faire naître l’idée d’un « djihad individuel ». C’est également un « appel au voyage » vers les terres du djihad, une forme différente de manipulation et de trafic d’êtres humains.
« D’autant plus que les pratiques criminelles changent du tout au tout en l’espace de 3 ou 5 ans », témoigne le professeur Campbell Fraser (Université de Griffith, Brisbane, Australie). En 2013, Fraser subit une transplantation rénale « selon les méthodes traditionnelle et légale. Mais j’ai rapidement appris qu’un nombre important de malades avaient obtenu des organes par des moyens totalement différents ». Cet épisode le conduit à enquêter sur le phénomène. « Longtemps, le trafic d’organes était organisé par le corps médical même. Un chirurgien pouvait vendre un rein dans les 30 000 dollars. Lorsque les organisations mafieuses ont appris l’existence de ce marché, elles ont verrouillé les filières d’approvisionnement. Les prix ont immédiatement augmenté (au-delà de 100 000 dollars par organe) et les chirurgiens sont devenus des « employés » de ces filières. On constate même des convergences de réseaux, des alliances d’intérêt. Ainsi, on compte actuellement une forte proportion de Syriens au nombre des victimes du prélèvement d’organe, souvent le seul moyen pour eux de payer les sommes exigées par les passeurs qui leur promettent un moyen de transport vers l’Europe ». Souvent, également, ce sont les transplantés eux-mêmes qui, pour rembourser l’achat de l’organe, sont engagés comme « rabatteurs » de clients potentiels. Là encore, l’Internet « non chiffré », et notamment les forums spécialisés, joue un rôle primordial : détection de clients potentiels, prise de contact, vérification de l’authenticité de la demande…

Laisser une réponse