L’histoire du virus qui téléphonait

Documentations - Tendances - Posté on 17 Avr 2009 at 8:16 par Solange Belkhayat-Fuchs

justmakeitPas de Radio à Définition Logicielle dans le papier du magazine Science, qui publie les recherches de Pu Wang, Marta C. González, César A. Hidalgo, Albert-László Barabási des Universités de Boston, Notre Dame et Harvard. Ces chercheurs, à la fois biologistes et spécialistes des réseaux, se sont penchés sur les déplacements des possesseurs de téléphones à l’intérieur d’un groupe de cellules GSM, ainsi qu’aux phénomènes de dissémination d’un éventuel virus de type MMS, Bluetooth ou hybride à l’intérieur dudit réseau. Les données très fouillées se sont appuyées sur les métriques exactes d’un opérateur, et des schémas de propagation virale géolocalisés en ont été extrapolés. Les conclusions sont assez édifiantes : si le virus Bluetooth peut connaître un succès local rapide, son mode de communication de proximité limite fortement son flux migratoire à grande échelle. Le virus MMS, quand à lui, se répand bien plus aisément, mais voit son efficacité limitée par la disparité des types de plateformes. En bref, dans l’état actuel de la technique, les virus sans fil sont, comme dit la chanson, « rien que du chiqué, de la crotte de biquet »*

Toujours la vieille question de la « portabilité du code » dans des environnements hétérogènes.

Ces études font bien sûr réagir assez vivement l’un des rares éditeurs d’A.V. qui s’intéresse aux virus « wireless » : F-Secure, qui égratigne les travaux des scientifiques. Avec 65 % de parts de marché sur le secteur des smartphones, rétorque Mikko Hyppönen, l’hétérogénéité invoquée par l’étude est franchement très relative… faut franchement avoir peur ! La communication des scientifiques, ajoute-t-il, ne prend pas non plus en compte les garde-fous techniques qui sont intégrés de plus en plus dans les téléphones intelligents modernes…

Remarques sans le moindre doute passionnantes, certes, mais relativement éloignées du sujet. Car l’équipe de Boston ne traite que de l’aspect épidémiologique de la question. Or, dans une population, il n’y a pas que des énarques et des diplômés de Science-Po. Il y a aussi quelques millions de prolétaires, de professions libérales, de rentiers, de peigneurs de girafes divers –dont quelques journalistes-. Tout comme dans le monde de la téléphonie, il n’y a pas que des smartphones. Ils auraient même tendance à être minoritaires, et 65 % d’un marché vertical n’est pas 65 % de tout le marché, dans un monde de terminaux plus « dumb » que « smart » peuplé de la marée des abonnements à un euro et autres produits d’appel. Ce qui confirme les conclusions de l’enquête : tout ce qui peut recevoir un MMS n’est pas nécessairement capable de l’interpréter, et tout le monde n’est pas obligatoirement équipé d’un étage Bluetooth. En outre, la modélisation de propagation d’une information par des canaux radio est une science très complexe, qui associe des paramètres sociaux, politique, structurel, saisonnier voir climatologique ou géologique. Des variables qui sortent totalement de la façon de voir des éditeurs d’A.V., lesquels se contentent généralement de ne considérer que le comportement « pair à pair » des vecteurs d’attaque.

L’on pourrait ajouter que les facteurs de limitation des virus téléphoniques sont surtout de deux ordres en Europe : le coût d’une attaque d’envergure –car en nos contrées, les MMS sont payant au prix fort- et la complexité des opérations. Pour l’heure, les SMS servant à des intoxications et autres attaques en ingénierie sociale (menaces, intox au kidnapping, phishing sms, arnaques au numéro surtaxé…) offrent un retour sur investissement bien plus élevé.

*NdlC Note de la Correctrice : In l’Amis Zantrope de Bobby Lapointe. Signalons à ce sujet le Printival Lapointe qui se déroulera du 15 au 19 avril prochain à Pézenas (c’est plus près que Caracas). Car bien sûr, tout cet article n’était qu’un prétexte.

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